28.5.07

ELLIOTT SMITH IS ELLIOTT SMITH IS ELLIOTT SMITH




Acheté New Moon, la dernière compilation d'inédites d'Elliott Smith enregistrées entre 1995 et 1997. Il s'agit d'un album double de pièces qui n'avaient pas trouvé leur place sur l'album éponyme, sur Either/Or ou sur XO. Ma première crainte était de découvrir qu'on étirait la sauce ici. Et, à date, j'sais pas. Parce qu'il y a ici des trouvailles écoeurantes, des chansons qui se seraient démarquées sur n'importe quel album officiellement paru. Je pense surtout à «Half Right», «Go By», son cover de «Thirteen», «Whatever (Folk Song in C)». Des chansons qui, comme à chaque album d'Elliott Smith, systématiquement pour moi, deviennent des gateway songs; des chansons-poupées russes, mettons. Quand j'ai acheté XO, c'est la guitare de «Independence Day» qui m'a ouvert sur «Tomorrow Tomorrow» qui m'a ensuite fait mieux apprécier «Sweet Adeline» qui m'a fait comprendre les paroles de «Waltz # 2 (XO)» qui ont vraiment allourdi «Everybody Cares Everybody Understands» et ainsi de suite. C'est la même chose à chaque album: mon appréciation part d'une seule chanson qui porte toutes les autres par n'importe quel processus d'association. C'est ce qui fait de la musique d'Elliott Smith une chose si complète.

Mais là, un album double de chansons qui n'ont pas été choisies par l'auteur, c'est difficile de croire que l'effet sera le même. Je me suis retenu de l'acheter au début, justement à cause de cette crainte de faire outrage, dans ma tête ou dans mon coeur, à l'oeuvre de Smith. Comme les gens qui refusent de voir les scènes supprimées de films qu'ils ont aimé. Comme si ça allait rendre tout le reste très artificiel. Mais, si j'ai ce cd dans mon lecteur en ce moment, c'est que j'ai compris que mon rapport à l'art est celui d'un voyeur. Je veux tous les détails. Je veux le making of; la biographie; les scènes supprimées; les bloopers; la chorégraphie stupide mettant en vedette les caméramen, les soundmen, les maquilleuses, les fucking traiteurs, sur une toune de Sinatra. Donc, comme un ex-fumeur s'en grille une en cachette dans la salle de bain debout sur une chaise en-dessous du ventilateur, j'ai acheté New Moon.

Et, pour être franc, à mon grand étonnement, l'album marche. C'est peut-être un talent de compilateur -- Christopher O'Reilly, pianiste classique qui reprend des pièces de Radiohead et d'Elliott Smith au piano solo, en écrit toute une éloge dans le livret. C'est évident, les gens qui ont monté cet album connaissent Elliott Smith beaucoup plus que moi. Tranquillement pas vite, à force d'écouter, se crée en moi le même effet poupée russe.

Sans rien enlever à ceux qui ont choisi les pièces, je crois que ça les dépasse, eux aussi. C'est lui, c'est Elliott Smith, ce big nothing regretté, qui rend tout équilibré. Il a la même intensité qui tache toutes ses chansons d'une aura grise. Et c'est même pas triste. C'est touchant, c'est un jeu de guitare hallucinant. Mais, surtout, aime ou aime pas, c'est du Elliott Smith.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

"c'est que j'ai compris que mon rapport à l'art est celui d'un voyeur. Je veux tous les détails. Je veux le making of; la biographie; les scènes supprimées; les bloopers; la chorégraphie stupide mettant en vedette les caméramen, les soundmen [...]". Oh, moi aussi!