15.2.07

Ukulele Pop

Décidément, je suis rendu accroc à la petite guitare à quatre cordes. La semaine prochaine, c'est le spectacle places assises d'un dénommé Fersen, en duo ukulele. Bon, j'capote pas sur sa musique, mais j'déteste pas non plus. Et j'ai acheté les billets en cadeau pour ma pétoncle--j'essaie avec les surnoms amoureux, j'suis pas trop bon, à date c'est «hey, mon anguille au chocolat» ou «salut, petite antilope astygmate»... l'idée c'est de faire cute, j'sais pas trop... messemble que c'est cute un bébé antilope avec des lunettes, non?--Mais j'avoue que j'ai surtout été attiré par la mention du duo ukulele. Après avoir acheté les billets, j'ai parlé à un gars avec qui je travaille et, quand je lui ai dit qu'il s'agissait d'un duo de ukulele, il a levé les sourcils et m'a dit: «Wow! C'est comme deux heures de gazou, man! Bonne chance!»

Au contraire, j'ai la plus grande affection pour cet instrument, peut-être parce que j'en joue. C'est à mon avis l'instrument le plus près de l'âme humaine que je connaisse, parce qu'il peut être le plus joyeux et le plus triste en même temps. Quand t'es capable de passer par-dessus le fait qu'il s'agit d'une guitare miniature, et que tout le monde a l'air un peu étrange, voire paraplégique, quand il en tient une. Quand tu vas plus loin que l'image populaire du ukulele--celle du clown, du moniteur de scouts quétaine, de la première guitare cheap en attendant que l'enfant vieillisse et s'achète une acoustique--, et tu t'en tiens à la sonorité, ça devient un instrument extrêmement puissant. Quand t'es pas borné au point de le classer au même niveau que le gazou, t'en viens à y entendre une subtilité.

Je lisais l'autre jour une entrevue avec Zach Condon, chanteur, musicien polyvalent de 20 ans, ukuléléiste, et tête créatrice du groupe Beirut. Il contait comment un ami de son frère avait joint le groupe. Condon lui a demandé qu'est-ce qu'il savait jouer, et l'autre a répondu qu'il jouait de la guitare. Condon a ensuite dit: «That's going to be a problem.»

Et quand t'écoutes Postcards From Italy ou The Bunker, finalement quand t'écoutes tout l'album Gulag Orkestar, tu comprends comment une guitare acoustique deviendrait problématique. Trop ronde, trop claire, trop smooth comme sonorité. Ici, c'est un tout autre feeling qu'on cherche. Une fragilité, une cuteness bien mature, un peu sèche. C'est difficile à décrire--Elvis Costello disait : «Writing about music is like dancing about architecture.» Mais il y a une tension dans le son de Beirut qui fait qu'une guitare acoustique viendrait tout rendre trop juste, trop précis.

Oli me parlait il y a très longtemps d'un spectacle de Radiohead qu'il avait vu en dvd où il avait remarqué comment les musiciens retiraient ou dosaient leur jeu au profit de la toune. On en avait déduit que ce qui fait un grand artiste, c'est sa capacité à reconnaître les moments où il doit se taire. Beirut font du indie-rock dans lequel ils ont décidé de retirer complètement l'élément clé, la guitare.

Tout en musique est choix ou dosage. Et un ukulele, comme le lo-fi, est un choix.

Comme la percussion qui est souvent très traîneuse, très grafignante; le ukulele mal enregistré, presque mal accordé de Beirut, donne un edge. Probablement le même que la sonorité lo-fi des Microphones. D'ailleurs, Phil Elvrum des Microphones, utilise sur The Glow pt. 2 des guitares dont la résonnance s'approche beaucoup de celle du ukulele.

Je pense qu'avec certains éléments de la percussion, c'est grâce au ukulele que Beirut se taille une place sur la scène indie-rock américaine. Parce que sans ça, on leur donnerait certainement une autre étiquette. Du world-music américain. Quoique, encore là, on s'entend que l'appellation «indie-rock» peut être assez fourre-tout. Concernant Beirut, allmusic.com parle de folk alternatif. Très utile, ça. J'ai lu un article du Rolling Stone qui disait que ça s'apparentait à du gypsy punk.

En tout cas, j'suis pas de ceux qui s'opposent à l'étiquettage abondant de la part des critiques. J'aime la formule de allmusic qui en donne souvent plusieurs différentes pour nous offrir une idée globale : par exemple, Sufjan Stevens fait du Indie Rock ou de la Indie Pop ou du Progressive Folk ou de la Chamber Pop--je l'aime bien celle-là, de la Chamber Pop!--ou encore du Lo-Fi. J'pense qu'il existe des moments en musique où un son est tout simplement inclassable, et il faut inventer une nouvelle combinaison de treize mille genres différents pour en saisir quelque chose.

***

Et là, de Beirut à Thomas Fersen, tout ça en passant par du vieux Jack Johnson et un autre ami hawaïen nommé Ted Lennon--rien à voir avec John--, j'arrive à ma dernière acquisition en matière de Ukulele Pop. Ça s'appelle P:ano. Nom de l'album: Ghost Pirates Without Heads--important parce que celui qui précède, Brigadoon, est un peu trop eclectique et hyperactif, et n'a aucun rapport avec celui-ci.

P:ano, c'est un quatuor canadien de Vancouver, dont j'ai entendu parler d'abord grâce à mon père qui, lui aussi, écoute beaucoup la radio de CBC. Il m'en avait parlé l'année passée, à peu près à pareille date, messemble. J'avais pas vraiment accroché, parce que j'avais entendu des extraits de Brigadoon, et non de Ghost Pirates etc. C'était pas mauvais, mais pas de quoi se péter la tête sur les murs.

Mais Ghost Pirates etc. a vraiment tout pour plaire. C'est un ukulele, une clarinette bariton, et une boîte de cossins de percussion. Le chanteur Nick Krgovich a une voix potable, pas trop belle, juste assez. Et il est accompagné de deux filles qui donnent des fois aux mélodies des airs de musique des années quarante. Des harmonies vocales à la Puppini Sisters.

Très happy par moments, et toujours touchant. Krgovich a une poésie très simple et intime, à l'image de la musique. Très près de celle de Belle and Sebastian:

It's still a wonder to me that
You're a wonder to me at all,
And there's a scary crow
that keeps swooping down at me,
As I'm trying to get into the car.
No, I'm not going very far, oh no,
To put you on or put you off, no
I'm not going very far, I know.

Belle petite musique simple simple simple, qui, comme Beirut et Fersen, me donne envie de jouer du ukulele. Le mien a un collant du drapeau de la Norvège et une peinture d'un coucher de soleil costa-ricain à l'endos. Et j'en jouais quand j'ai rencontré mon poussin ouaté.

6 commentaires:

olivier.nj a dit...

wow,tu m'as cité dans un très bel article sur la musique indie.
man, merci.

très intéressant comme texte

j'ai hâte d'entendre ce nouveau band dont tu parles p:iano

écrits-en d'autres des articles de même, c'est plus intéressant que allmusic d'après moi

William a dit...

Merci, man.
Dis-toi que des textes de-même découlent entre autres de conversations qu'on a eues.
Content que t'apprécies.

olivier.nj a dit...

yeah

Anonyme a dit...

J’ai l’air de quoi, moi, « poussin ouaté »…

William a dit...

T'as l'air toute jaune et fluffy. Et fouille-moi pourquoi, mais dans ma tête un poussin, ç'a toujours l'air à moitié endormi.
Quand j'étais à la maternelle, on avait une douzaine de poussins. Et, à cause que j'ai porté un collet cervical pendant un bout de temps, je pouvais pas faire les activités plus physiques. Alors Jeanne m'installait devant les poussins. J'en prenais soin.

olivier nj a dit...

t'aime toujours le ukulele ce soir ?