17.1.07

MAGNUM P.I., MACGYVER & MISTER ROGERS

Y'en a qui ont trippé fort sur Passe-Partout, Vazimolo, Télé-Pirate, Parcelles de soleil ou l'émission qui jouait les samedis matins avant que Vazimolo n'ait été créée (j'pense que c'était avec Luc Senay ou un dude qui lui ressemblait... c'est loin, j'étais très jeune). Des émissions que j'ai écoutées (sauf pour PDS, j'étais toujours trop jaloux quand les p'tits gars handicappés recevaient un vélo de montagne pour avoir fait des figurines lettes avec des rouleaux de papier de toilette), et qui ont marqué mon enfance à peu près autant que tout le monde.

Mais avant tout ça, plus fortement et peut-être plus subtilement, je peux reconnaître trois émissions, trois icônes culturelles importantes dans mon passage d'un petit enfant à un petit gars. Trois hommes à l'écran qui ont façonné dans la tête d'un petit garçon de 4 ou 5 ans l'idée de ce qu'il faut pour être un mâle, l'idée d'un modèle à suivre.

En fait, si j'avais à identifier où je me situe dans le grand contingent masculin, je serais sans doute exactement au point de rencontre de ces trois hommes, un mélange des trois.


Magnum P.I. :

À 4-5 ans, une dizaine de minutes avant l'émission, un petit maigrichon avec une grosse tête et des gros yeux partait dans sa chambre en courant, brassait ses choses un peu, et ressortait avec son unique chemise hawaïenne sur le dos; pour s'installer sur le divan, devant la télé, pour écouter Magnum P.I.

Le détective privé de Honolulu avait les femmes, le char, la job, la robe de chambre, la piaule, le charme, la forme, le corps, les vêtements. Pour comprendre l'intérêt pour ce personnage charismatique, icône de la culture américaine post-Dallassienne, pré-Baywatchienne; un mot-clé à retenir : POIL.

Il en avait, et il s'en crissait. Un shag qui ne jurait jamais - en fait, je pense que Tom Selleck, l'acteur qui jouait Magnum, avait signé son contrat avec la maison de production et son poil en avait signé un autre, tellement il avait un rôle important dans la série.

J'me souviens plus trop des intrigues, probablement très banales, mais il reste que ç'a marqué mon enfance, cette masculinité ambulante, au coeur tendre... et au volant d'une fucking Ferrari... à Honolulu, tabarnac!

Étrangement, si je me souviens un peu de cette époque, messemble que mon père, considérablement poilu lui aussi, arborait également la moustache -- dans sa phase Francis Cabrel/Freddy-Mercury-avant-qu'on-apprenne-qu'il-mettait-son-pipi-dans-les-cacas-des-monsieurs-et-dans-les-cacas-des-animaux-et-de-tout-ce-qui-comportait-un-orifice.

Je reconnaisais peut-être simplement dans le Tom Selleck à l'écran un Bernard plus américain, plus glamourous, plus tombeur, plus habile avec les armes à feu et globalement plus imposant -- le dude conduisait quand même une 308 GTS; la Renault Cinq de papa puait le crisse et elle était même pas rouge.


MacGyver :

Le gars manuel typique; patenteux et super pragmatique. Quand MacGyver était enchaîné à un poteau de métal dans une usine en feu, il sortait son packet de Juicy Fruit, il démontait sa montre Timex, se décrottait un peu une oreille, et il se faisait son propre petit kit de soudure. C'est probablement le jobber le plus intelligent de la planète.

Je me souviens clairement comment je l'écoutais chez ma grand-mère, sur la ferme, et je sortais tout de suite après fouiller dans les déchets du garage pour essayer de me patenter mes propres gadgets. Ça chiait tout le temps, évidemment. Y'a qu'un seul MacGyver.

Côté séduction, malgré son air fougueux, MacGyver était assez timide. On n'en parlait pas de ça. Je pense qu'il passait plus pour le gars «sympathique». Pas un tombeur comme Magnum et sa moustache, juste sympathique. Et même pas de moustache. Un voisin qui te prêterait sa scie à onglet n'importe quand et qui viendrait volontier prendre une bière les vendredis soirs. Mais dont la vie sexuelle reste largement dans le non-dit. Qui ne pourrait pas vraiment être gai, parce qu'il dégage quelque chose de clairement hétéro. Mais qui ne se présente jamais sous un mode de séduction.

MacGyver, énigmatique MacGyver. Encore une fois, je suis incapable d'y penser sans faire le rapprochement avec mon père. Je pense que s'il fallait situer mon papa dans ce que j'appelais tantôt le grand contingent masculin, cette moitié de la planète, je pourrais dire que dans mon imaginaire d'enfant de 5 ans, il est MacGyver pris dans le corps de Magnum. Sauf que, avec tout le respect que je lui dois, faut avouer qu'il est une coche en-dessous, partout. Moins glamourous que Magnum, moins habile manuellement que MacGyver.


Mister Rogers :

Merde. C'est ici que ça foire. A fallu qu'en plus d'écouter des émissions d'hommes conduisant des voitures sports ou fabriquant des télécommandes d'hélicoptères avec des sachets de sucre et une calculatrice à énergie solaire; de valeureux justiciers parvenant toujours à arrêter leurs opposants avec juste assez de violence; de deux dudes vraiment cool, dont un qui se pognait toutes les femmes d'Honolulu et un autre qui... ben, qui fabriquait des émetteurs d'ultrasons avec des moules, de la mayonnaise et un rasoir à poils de nez. A fallu qu'en plus d'écouter ces émissions là, que je devienne, au même titre, un disciple de Fred McFeely Rogers, alias Mr. Rogers. L'homme le plus lent, le plus calme et le moins excitant de toute l'histoire de la culture télévisuelle des États-Unis.

Encore aujourd'hui quand je vois des reprises de Mister Rogers' Neighborhood, il y a un confort, une lenteur qui me convient parfaitement.

Prenez l'assurance et la virilité de Magnum, la droiture et la sympathie de MacGyver. Maintenant ajoutez à l'équation le filtre troisième-âge de Mister Rogers, pour tout descendre à un niveau d'excitation relativement nul; et vous avez à peu près tout ce qu'un petit Will de 4 ou 5 ans a retenu de la culture, en ce qui a trait aux modèles de masculinité.

...

Faut dire par contre que plus ça va, plus j'ai l'impression de me diriger vers Magnum et de m'éloigner de Mister Rogers. J'suis pas encore à une moustache près, mais quand même... C'est comique de penser à tout ça, parce que je réalise qu'encore aujourd'hui, d'une certaine façon, devant chaque décision au quotidien, j'ai toujours dans ma tête ces trois personnages -- Mister Rogers, MacGyver et Magnum -- qui me donnent leurs arguments.

Par exemple, devant une certaine inconnue qui me fait de la jambe obstinément sous une table d'un bar de Côte-des-Neiges:

MacGyver - Hey, ben merci beaucoup, c'est... ben, c'est super gentil. Okidou. Bonne journ... soirée! Ok. Oui. Salut!

Magnum - Yo! Jolie poulette! Viens là que j'te brosse les narines...

Mister Rogers - It's a wonderful day in the neighborhood, a wonderful day in the neighborhood... (Mister Rogers n'a jamais vraiment d'autre argument que sa fucking chanson d'intro, toujours beaucoup trop lente et paisible, et très hypnotique) Won't you be mine, won't you be mine, won't you be my neighbor?

1 commentaire:

Imagine a dit...

will will will! tu me fais rire! mister rogers! mouhahaha! continue d'écrire! sophieXXX