3.12.05

SOUS CHIEN

Je suis un underdog de la creuse banlieue. J’arrive troisième ou sixième, jamais premier, dans mes cours, dans les sports. Jamais la vedette. J’suis constant dans la moyenne, à l’aise dans le top 30. B, B+, pas plus. Les gens que je devrais influencer, pour avancer, pour grimper, prospérer, ont de la misère à me replacer. Je croise un prof, il se rappelle de moi comme d’une face dans la demi-centaine en mosaïque devant lui, qui se décrottait le nez un peu plus souvent que les autres. Il me sert la main, me dit rien que j’veux entendre, on se dit bye, on s’échange des sourires sympathiques. En continuant mon chemin, je m’imagine les choses qu’il aurait pu me dire. Les choses que j’voudrais qu’on me dise. Genre, toi t’avais ça de spécial. Toi tu m’impressionnais. Toi t’as laissé ta trace. Mais, faut croire que j’suis à l’aise dans ma slump de demi-victoires.

J’ai l’ambition d’un soûlon qui essaie d’être attentif à une game de hockey, je gueule quand y’a quelqu’un qui score, et je perd connaissance à la prochaine mise en jeu. J’ai de l’ambition juste quand quelque chose me rappelle qu’il faut que j’en aille. Et j’ai l’attention span d’un bâton de popsicle. Souvent l’ambition se pointe, je regarde un film, je lis un livre, ou n’importe quoi, mais j’la tasse. Ben oui, ben oui. Plus tard. Elle dit, tu serais capable de faire ça toi, de faire cent fois mieux, de faire au moins le dixième de ça. Ben oui.

J’suis encore plus l’underdog qu’un vrai underdog, parce que lui a quelque chose à renverser. Moi j’ai rien. Lui a sa vie de misère, son handicap à surmonter, moi j’suis ben correct. J’suis le square, middle-class, fils de deux personnes extraordinairement parfaites. J’ai rien de controversé, j’suis hétéro, j’aimerais ben être gai, mais c’est le poil qui m’écœure. Pis j’pourrais pas faire ça à ma mère. J’fume pas, j’bois quand ça me tente, et ça me tente de façon normale, à ma santé. La drogue me constipe. J’ai le profil du n’importe qui numéro un sur la planète. Dommage qu’y ait pas de concours.

Là je chiale, mais c’est sûrement juste parce que j’viens de lire quelque chose qui m’a rappelé mon ambition. Ou mon manque d’ambition, plutôt. Dans quelques minutes ça va se calmer. J’vais retourner à mes inventions de ce que les gens pourraient me dire à propos de ma grandeur et de mon talent. De comment j’ai surmonté, against all odds – ostie d’expression surestimée –, mes problèmes d’ongle incarné, ou d’eczéma, pour devenir une si grande personne.

1 commentaire:

olivier nj a dit...

Oublie pas que t'as plus de talent que tu ne le crois. T'écris bien, compose de bonnes tounes, mais présentement t'es dans le mode apprentissage, pas celui d'éxécution. Garde-toi de te démoraliser, un jour ton ambition sera la seule chose que tu voudras accomplir et à partir de ce jour rien ne vas t'arrêter.
on est tous des gens average, y'en a qui ont plus de contacts ou qui étaient au bon endroit au bon moment. Ton temps va venir, tes connections vont t'aider, tu trouvera bien un jour une fissure dans laquerlle insérer ton ambition. comme le disait Bon Jovi Keep the faith...