19.10.06

sans nom

Voici ce que j'écris ces temps-ci, à très petits tâtons, comme vous le verrez c'est juste l'introduction, mais j'avais l'goût de mettre quelque chose ici et ça j'trouve ça bien... J'aime le début. J'suis en train d'établir dans ma tête, et dans la narration, un rythme qui commence à être clair. En fait, c'est un réécriture en mode hardboiled d'un texte que j'ai déjà mis ici (je crois, dans mes tout premiers posts, ça s'appelait «Bird Shit») portant sur un vol de viande.

- Bon, là le char qui stall. C’est le bout d’la marde!

135 kilomètres, 13 repas de cantine matins, midis, soirs, 4 gallons de café, 8 paquets de Peter Jackson et 35 comprimés d’aspirine plus tôt, j’attendais une grosse promotion. Ma blonde était encore ma blonde. Et Montréal me saluait à chaque matin, de son côté du fleuve.

J’avais 5 livres en plus. 12 points de sutures, 3 gros Gilles avec ma dentition imprimée sur leurs jointures, une migraine récurrente, un doute concernant une MTS potentielle, une colonne vertébrale qui doit commencer à ressembler à une sculpture abstraite, un emmerdement considérable, 200 dollars de dettes à JJ Towing, un costard loué que je soupçonne d’avoir appartenu au millionnaire dans l’Île de Giligan, et une ostie d’enquête de vol de viande en moins.

***

Mercredi passé, Raymond Mandeville, mon patron chez Mandeville Viandes Inc., a reçu un appel de la Sureté du Québec. Frank Merkl s’était fait voler une quantité énorme de viande. Entre 1500 et 2000 livres de viande. En tout cas une quantité suffisante pour que Raymond s’énerve et décide de m’envoyer assister les agents de la SQ dans leur enquête. Je me suis dit que c’était mon expertise en viandes, et non le fait que j’aie grandi dans le coin, qui l’a fait m’y envoyer. Après quatre jours ici, je commence à me demander si toute la liste de niaiseries que j’ai nommées plus haut faisait réellement partie de ma description de tâche.

Quand j’habitais encore chez mes parents à Stanbridge Station, notre voisin Michel Fecteau venait souvent prendre un café chez nous, entre deux voyages de purin. Il avait une bédaine de la grosseur d’une ball-tank et une toute petite tête. Et quand il venait s’asseoir sur le divan du salon, on avait peur qu’il arrache les motifs carottés sur les coussins, tellement il puait le purin. On lui demandait «Comment ça va, mon Mike?» et à chaque fois, sans jamais changer de ton – à un point tel qu’on en venait à le soupçonner d’être un peu retardé –, il répondait:

«On s’adapte.»

Mike avait acquis cette sagesse qui l’avait permis de comprendre deux choses dans la vie : «Faut s’adapter, pis faut pas généraliser.» C’est peut-être pas du Kant, mais la morale stanbridgeoise fait certainement la job. En tout cas, avec cette enquête broche-à-foin, j’ai compris qu’être vendeur chez Mandeville Viandes Inc. exige toujours une capacité d’adaptation.

Je suis arrivé à Bedford jeudi matin, le lendemain de l’appel de la SQ. J’ai rencontré le sergent Serge Blanchard, un petit homme vraiment timide qui a toujours une tache de sueur dans le dos et qui n’est pas encore conscient du cliché de la moustache chez les policiers. La sienne ressemble à une grosse chenille qui dort sous son nez, comme s’il s’était rentré un pinceau à fard à joues dans chaque narine. Celle de Martin, son collègue plus jeune d’une vingtaine d’années, est beaucoup plus discrète. Plus comme un morceau de velcro.

Sergent Serge m’a tenu au courant du déroulement de son enquête et a été assez aimable pour me laisser mener la mienne en parallèle, sans trop s’imposer. Je pense qu’en fait c’était parce qu’il arrivait à un cul-de-sac. Il espérait peut-être que je donne un nouveau souffle à l’enquête. Parce qu’avec toute l’information qu’il m’avait donnée, le poodle de madame Claxton était peut-être le seul suspect qu’on pouvait rayer de la liste. Encore là, fallait confirmer son alibi avec le schnauzer des Duquette.

...

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Wow, faudrait vraiment travailler sur la suite... plein de potentiel comme introduction.

"On s'adapte"... j'ai eu le sourire jusqu'a la fin du texte :)

olivier nj a dit...

j'aime bien la fin avec les chiens
est-ce que c'est cette nouvelle qui génère une bain de ketchup ????

William a dit...

Anne: Le «On s'adapte» ça vient d'un gars au garage municipal de Bromont qui disait toujours ça. La philosophie du gros Mike est en fait celle d'un vrai gros Mike. C'est le genre de phrase qui s'invente pas, et dont la copie est presque obligatoire pour quelqu'un qui fait de la fiction.
Merci pour le commentaire.

Oli: Non c'est pas «Shit for Brains». Mais ça met en scène le même personnage principal.

olivier nj a dit...

tant mieux !!!
c'est vraiment malade que ça mette en scène le même personnage principal
je peux pas y croire
c'est comme une genre de suite !

ouf! wow! man! t'es génial!

rien d'autre à dire!

William a dit...

Ouin ben j'avais pensé aussi appeler le texte «Shit for Brains II»...