3.2.06

GARY BANCROFT TROUVÉ MORT

Otterburn Park – Le philanthrope multidisciplinaire Gary Bancroft a été trouvé mort dans son domicile d’Otterburn Park hier soir. Âgé de 79 ans, Bancroft aurait mis fin à ses jours la veille de son anniversaire. Son attaché de presse, Jean-Luc Pothier, est entré dans le bungalow avec deux policiers de la sûreté municipale de Beloeil après avoir appelé Bancroft plusieurs fois sans réponse, pour découvrir le corps de son client dans le salon.

Bien que ce dernier n’eut pas l’habitude de répondre au téléphone, Pothier affirme avoir agi selon son instinct : «Un feeling, quelque chose, me disait que Gary n’allait pas répondre, mais, cette fois-ci, pour des raisons un peu plus sérieuses.» Il faut préciser que la relation entre les deux n’est jamais allée au-delà des insultes basses et gratuites. Dans une entrevue avec le Rolling Stone en 1987, Bancroft a avoué qu’il détestait son attaché de presse, dans son cynisme légendaire, «comme une fillette aime son siège de bicyclette.» Et les coups se sont multipliés au fur et à mesure que leur relation progressait; entre les fausses déclarations de Pothier, et les injures de Bancroft à l’égard des vêtements et de la coiffure de son attaché de presse.

Musicien de formation, Gary Bancroft s’est fait connaître du public d’abord dans son Afrique du Sud natale, où il accompagna les plus grands noms du jazz derrière sa contrebasse. Sa petite stature, sa moustache prédominante et ses commentaires cinglants et téméraires au sujet des musiciens avec qui il jouait le portèrent au centre des discussions de toutes les soirées mondaines sud-africaines du début des années soixante.

Son premier mariage à l’ex-conjointe de Miles Davis, Coletta Davis, l’avait obligé de quitter Johannesburg. Dans cette même entrevue avec le Rolling Stone, Bancroft expliquait que Miles Davis aurait engagé une douzaine de chasseurs wolofs pour l’assassiner. La nouvelle avait fait le tour du monde à l’époque, et l’attaché de presse de Davis s’était empressé de tout nier.

Par la suite, la présence de Bancroft s’est multipliée de façon exponentielle, et dans toutes les directions. Il a co-signé un traité de paix en Ouganda entre deux tribus mêlées dans un conflit impliquant une chèvre et une boîte de tampons. Il a participé à une importante recherche scientifique dans les montagnes Blanches du New Hampshire, portant sur les qualités médicinales d’une variété de lichen. Son nom a figuré parmi la liste annuelle des dix personnes les plus détestées du magazine britannique Crosshaw’s, en 1990; derrière Hitler, Gandhi et George Michael. Il a été peint par Sylvester Stallone. Mick Jagger dit s’être inspiré du roman «Parle parle, jase jase», écrit par Bancroft en soixante-seize, au moment de composer son méga-succès «Parle parle, jazz jazz». Jusqu’à la fin des années quatre-vingt-dix, Gary Bancroft est demeuré une personnalité publique d’envergure internationale. En 1988, pas une seule journée n’est passée sans qu’il ne fasse l’objet d’un reportage quelconque dans l’actualité américaine et européenne.

Face à des problèmes financiers, après s’être divorcé, puis remarié puis à nouveau divorcé à Coletta Davis, il s’est installé dans un bungalow juste à l’extérieur d’Otterburn Park, où il vivait jusqu’à hier soir.

Bancroft est mort étranglé par une corde de son instrument de prédilection, la contrebasse. Le sergent Serge Castonguay, de la Sûreté Municipale de Beloeil Mont-Saint-Hilaire, explique : «Monsieur Bancroft se serait enroulé une corde de contrebasse autour du cou, avant de la fixer à son instrument. Il aurait par la suite tenté d’accorder la corde en mi. Il n’a malheureusement pas pu aller plus haut qu’un ré bémol, avant de mourir étranglé.» Jusqu’à la remise du rapport officiel du coroner, Jean-Luc Pothier refuse d’appeler le décès de Bancroft un suicide. Toutefois il a consenti à nous offrir une retranscription de la lettre qui se trouvait sur la table du salon, à côté de la dépouille.

Ainsi, avec la permission de son attaché de presse, nous publions ici la lettre qu’aurait rédigée Gary Bancroft, avant sa mort :



Coletta, Pothier, et quiconque lira ceci après que j’aie fait cela,

Chers amis (pas toi Pothier), j’ai tout essayé. Rien à faire. Toujours triste, jamais jolie, ma vie ces derniers mois est devenue intolérable. J’ai essayé la télé, la musique, le tae-bo, les jeux de société, la cocaïne, les sports extrêmes, les feux d’artifices, le breakdancing, le bouddhisme, l’ornithologie. Rien n’a fonctionné. Je suis au bout du rouleau, vide et nul. Toute ma vie, j’ai suivi mes pulsions, je me suis lancé dans les pires extravagances par pure passion. Aujourd’hui, plus rien. Mes finances, ma vie amoureuse, m’ont complètement épuisé.

Le commis du dépanneur en bas de la rue, mon seul contact humain chaleureux ces derniers jours (sans doute parce qu’il n’a aucune idée de qui je suis), alors que je lui achetais mon paquet de cigarettes hebdomadaire, m’a parlé d’une musique qu’il croyait que j’aimerais. J’ai failli refuser son invitation, mais ses intentions me paraissaient bonnes et je n’avais aucun prétexte pour m’en sauver. Il m’a fait jouer sur un petit magnétophone du dépanneur, dans le congélateur de bières, un enregistrement de guitare et d’une voix féminine. Julie James. Elle chantait une bossa comme je n’en avais pas entendu depuis Astrud, qui me les chantait quand Joao était en tournée. Sa voix résonnait sur les bouteilles de 1,18 litre de Molson Ex, de Black Label, de Budweiser, comme sur les parois d’un aquarium. Le commis avait monté le volume du petit magnéto de sorte à ce que la guitare fasse des vagues de distorsion sur le plancher du congélateur. Et je le jure, c’était peut-être l’air climatisé, mais je voyais vraiment les vagues. Du coup, j’ai pensé aux vagues à Richards Bay, en Afrique du Sud. Ma mère m’y emmenait souvent. Julie James m’y remmenait, dans le Couche-Tard en bas de la rue. Entre une douzaine de caisses de bières. Je suis resté assis sur le plancher du congélateur, sur les vagues, jusqu’à la fin de la chanson. En sortant, j’ai serré la main du commis, qui semblait content. J’ai ensuite compris que je ne vivrais pas plus longtemps. Parce que, moi, en ce court instant, j’étais enfin content.

J’en suis donc réduit au suicide. À défaut de connaître un psychopathe meurtrier (à l’exception de Pothier), j’ai choisi de me tuer. Adieu et Bonjour.
Gary Bancroft

3 commentaires:

Anonyme a dit...

beau texte ça bill. une nouveau ton, moins drôle, plus sensible, mais sans longueurs, c'est bon
oli

William a dit...

marci

Madeleine a dit...

Will, ce texte....est juste tres bon!!

Pas d'hesitations!