24.10.05

REMAKE DE «KISS ME, DEADLY»

Pour un cours, je lis du hard-boiled detective novel depuis le début de la session. En fin de semaine, j'ai lu les premiers chapitres de «Kiss Me, Deadly» de Mickey Spillane, pis j'ai eu envie d'en faire une version pour les Cantons-de-l'Est. J'suis pas encore rendu là, mais la seule différence, à part du fait que ma version se déroule à Bedford avec d'autres personnages (sauf peut-être pour la fille, la «grosse pute»), c'est que le héros échoue misérablement. Dès sa première tentative. J'le dis tout de suite parce que j'l'ai pas encore écrit - comme ça, si j'oublie de continuer, vous saurez que ça menait nulle part, anyway. «Kiss me, Deadly» raconte l'histoire d'un Private Eye violent qui part en guerre sainte contre le monde entier (mafia, gangsters, police, FBI, tout le monde) pour se venger. Après qu'il ait ramassé une fille qui s'est échappée d'un asile, et qui s'est jetée devant sa voiture, un groupe d'hommes les arrêtent, tuent la fille, et essaient de tuer le P.I. en poussant sa voiture en bas d'une falaise (pendant qu'il était dedans, tsé). Le détective, contre l'avis de tous ses amis, entreprend un quête de vengeance qui le mènera «où il faudra». On a essayé de le tuer, on a tué une fille, et, surtout, on a scrappé son char; on peut comprendre sa soif de vengeance. En tout cas, voici le peu que j'ai commencé ce soir:

«I’ll kill them. I swear I’ll fucking kill them.» La voix rauque de Brett Hamilton gueulait à la voix de Mandy Norris. C’était un hard-boiled, sur la CBC cette nuit. Le radio-théâtre était dans le tapis. Le petit voyage en pick-up, de Saint-Alexandre à Bedford, se faisait calmement sur la Grande Ligne – la seule, en lettres majuscules, la vraie Grande Ligne.

Une main sur le volant, l’autre sur le bras de vitesse, Phil Morin commençait à cogner des clous. Les deux roues gauches du Dakota serpentaient sur la ligne jaune. À trois heures du matin, les fossés de la route de Saint-Alexandre jusqu’au Shell sont remplis de petites billes blanches – des yeux de vermine, sous les phares. Phil en voit à chaque fois qu’il regarde. Cette nuit n’était pas différente. Des petites billes blanches ou jaunes qui bougeaient en paires, entre les herbes et sur les clôtures.

«Please, Sir, Rusty, I’ll fix it. Just let me fix it. I can. Please.» Phil aimait finir de travailler à cette heure pour deux choses; les billes blanches dans les fossés sur les deux côtés de la route, et les radio-théâtres de la CBC. Cette nuit, le ciel était resté étoilé. Les perséides flottaient, tellement il y en avait. On les voyait presque enlignées, à attendre leur tour pour plonger – comme des enfants au tremplin d’une piscine. C’était de toute beauté.

Phil essayait de garder les yeux ouverts, au cas où une paire de billes blanches décide de traverser, quand une femme en long manteau blanc, des souliers dans les mains, se plaça devant le camion, à une centaine de mètres. Elle avait les bras devant les yeux, les genoux collés et les talons vers l’extérieur. Phil lâcha un cri, appuya sur le frein et tira le volant vers la gauche. Il sentit la queue du Dakota partir dans le sens inverse, il donna un coup à droite, un autre à gauche. Il finit par s’immobiliser dans la voie opposée, la fille maintenant à genoux sur l’asphalte à côté du pick-up. Elle se leva nerveusement, ouvrit la portière, poussa les sacs de vêtements en bas du siège du passager, et s’y assit.

Phil tremblait de partout. Je vais la tuer, la folle, pensa-t-il. Il réfléchissait aux injures qu’il entendait dans les films, aux choses qu’il pourrait lui crier, en tremblant de la tête aux pieds. Il sentait que son cœur allait lui défoncer la poitrine et cogner dans le pare-brise. À bout de souffle, il demanda «Mais c’est quoi qui se passe dans ta tête?» La fille ne bougea pas, elle regardait vers le fossé – les billes étaient disparues. «She was a crazy whore. Nobody really ever knew anything about her. Except that she was crazy.» La voix de Mandy Norris faisait vibrer les haut-parleurs et toute la cabine, maintenant que le camion était immobile. Phil ferma la radio.

«- Hey, j’te parle.
- S’il-te-plaît, reste pas ici. Tu peux me débarquer à Farnham, ou Bedford. Tu vas où?»

Elle parlait tout bas, d’une voix très sexy, très calme. Tout son corps semblait nerveux, mais sa voix était calme. Phil se replaça dans la voie de droite, et reprit sa route en silence. Grosse pute, se dit-il. Les billes réapparurent quelques dizaines de mètres plus loin. Il sortit un paquet de Gauloises de sa poche de chemise, s’en prit une, l’alluma. Avant d’avoir pu tirer un coup, la fille s’étira le bras et lui arracha la cigarette des lèvres. Elle la plaça sur les siennes et la tint là quelques secondes. Les braises éclairaient un peu son visage quand elle tirait. Elle avait un nez pointu, petit, et de gros yeux ronds. Elle était maigre, pas mince, maigre. Et ses cheveux étaient blonds. Une sale junkie de Montréal, pensa Phil. Sur le siège, il pouvait voir ses cuisses dans l’ouverture de son manteau. Voyant que la cigarette ne reviendrait pas, il s’en sortit une autre et la porta sous celle que la fille avait sur les lèvres. La fille tira un coup, enleva sa cigarette, prit l’autre entre ses lèvres, et se servit des braises de la première pour allumer l’autre. Elle faisait tout ça avec un calme étrange, comme si c’était un rituel. Elle passa la cigarette à Phil, poussa une fumée dans l’ouverture de sa fenêtre, vers les étoiles. Phil tira un coup à son tour. Le Dakota filait tout droit sur la Grande Ligne – une étoile filante dans l’obscurité des champs de maïs.

«- Tu vas où comme ça? demanda Phil après un petit moment.
- Je sais pas. S’il-te-plaît, est-ce qu’on peut garder le silence, un peu. C’est le premier silence que j’entend depuis longtemps.»

Phil ne comprit rien. C’est comme tu veux, grosse pute, pensa-t-il.

1 commentaire:

William a dit...

La semaine de relish s'étend bien (ahah la pognes-tu?).

Pour ce qui est de ma promesse, je sais, j'suis pas très fidèle. Mais j'espèrais qu'un LONG texte puisse remplacer trois petits...